Si les chimiothérapies sont efficaces chez certains patients et patientes, les cellules tumorales peuvent acquérir une tolérance à ces traitements. En d’autres termes, les cellules s’adaptent à la chimiothérapie à laquelle elles peuvent alors survivre. Dans une nouvelle étude parue dans Nature Genetics le 11 avril 2022, l’équipe de Céline Vallot, directrice de recherche CNRS à l’Institut Curie apporte des résultats prometteurs en étudiant les mécanismes épigénétiques qui régulent l’expression des gènes.
Si la génétique s’intéresse à la séquence des gènes, l’épigénétique étudie comment ces gènes vont être, ou non, utilisés par une cellule. L’épigénome d’une cellule représente l’ensemble des modifications chimiques de l’ADN ou des protéines associées qui vont déterminer l’expression des gènes et ainsi l’identité de ladite cellule. Ces informations, centrales dès le développement de l’embryon, conduisent à des modifications dans l’expression de nos gènes sans affecter leur séquence. En modifiant son épigénome, la cellule peut s’adapter rapidement à son environnement. Génétique et épigénétique travaillent donc de concert pour permettre aux cellules d’assurer leur fonction.
Une équipe de recherche1, menée par Céline Vallot, directrice de recherche CNRS au sein du laboratoire Dynamique de l'information génétique : bases fondamentales et cancer (CNRS/Institut Curie/Sorbonne Université) et le Département de recherche translationnelle de l’Institut Curie, a analysé cellule par cellule les variations épigénétiques acquises par les cellules tumorales au cours du traitement par chimiothérapie. En collaboration avec l’équipe de Léila Périé, chercheuse CNRS au laboratoire Physicochimie Curie (CNRS/Institut Curie/Sorbonne Université), les scientifiques ont ainsi identifié les gènes dont l’expression permettait aux cellules de tolérer2 le traitement, ainsi que les modifications épigénomiques qui les régulent. Les scientifiques ont révélé que des marques épigénomiques « verrouillaient » l’expression de ces gènes en l’absence de traitement, et que ce verrou sautait sous chimiothérapie dans de rares cellules. Si l’on empêche ce verrou de sauter, les cellules cancéreuses restent toutes sensibles au traitement. Les scientifiques en ont fait la démonstration en utilisant sur des modèles animaux de cancer du sein des composés chimiques, appelés épi-drugs3, qui inhibent le retrait de marques
épigénétiques. Ces molécules doivent encore être adaptées pour un usage chez l’humain.
Ces résultats montrent clairement l’implication de l’épigénome dans la résistance aux traitements anticancéreux. Les scientifiques recherchent maintenant activement comment appliquer ce concept à l’humain dans une optique thérapeutique. Si les futurs tests cliniques sont convaincants, les scientifiques
imaginent que ces épi-traitements pourraient être utilisés en conjonction avec les chimiothérapies afin de prolonger leur efficacité chez les patients.
Notes :
1. Ont également participé des scientifiques des laboratoires Physico-chimie Curie (CNRS/Institut Curie/Sorbonne Université), Génétique et biologie du développement (CNRS/Institut Curie/Inserm), Plateforme de séquençage Haut-débit (ICGEX) du Centre de recherche de l’Institut Curie, Chimie biologie
innovation (CNRS/ESPCI Paris - PSL) et de la société HiFiBio Therapeutics.
2. La tolérance est la capacité de certaines cellules cancéreuses à survivre à un médicament (ici, la chimiothérapie), première étape avant l’acquisition de capacités de résistance à proprement parler. Dans l’état de résistance sont capables d’ignorer le traitement et se multiplient normalement.
3. Médicaments agissant sur l’épigénome
H3K27me3 conditions chemotolerance in triple-negative breast cancer. Justine Marsolier, Pacôme Prompsy, Adeline Durand, Anne-Marie Lyne, Camille Landragin, Amandine Trouchet, Sabrina Tenreira Bento, Almut Eisele, Sophie Foulon, Léa Baudre, Kevin Grosselin, Mylène Bohec, Sylvain Baulande, |