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Oncologie pédiatrique, vaccin anti-cancer : les résultats prometteurs de l’Institut Curie présentés au congrès de l’AACR

Communiqué

10 Avril 2024

Oncologie pédiatrique, vaccin anti-cancer : les résultats prometteurs de l’Institut Curie présentés au congrès de l’AACR

Du 5 au 10 avril 2024 à San Diego (Etats-Unis), la communauté scientifique et médicale internationale se réunit pour le congrès annuel de l’American Association for Cancer Research. L’occasion pour les chercheurs et médecins de l’Institut Curie de présenter leurs avancées dans les différents domaines de la recherche contre le cancer.

A RETENIR POUR CETTE EDITION 2024

 

Cancers pédiatriques / Immunothérapie pédiatrique, nouvelle thérapie ciblée, mécanismes épigénétiques : les chercheurs de l’Institut Curie explorent la biologie des tumeurs pour mieux soigner les enfants.

 

Vaccin anti-cancer / Résultats encourageants d’une thérapie personnalisée inédite pour les patients atteints de cancers ORL

 

 

Immunothérapie, nouvelle thérapie ciblée, mécanismes épigénétiques : l’Institut Curie à la pointe de l’oncologie pédiatrique

 

Les cancers pédiatriques, première cause de mortalité par maladie chez l’enfant, sont des tumeurs rares qui touchent près de 2 500 jeunes patients par an en France. Si les progrès dans le domaine de l’oncologie pédiatrique ont été considérables au cours des dernières décennies, 20 % de ces cancers demeurent sans solution thérapeutique satisfaisante. Reconnues au niveau international, les équipes du centre SIREDO de l’Institut Curie (Soins, Innovation, Recherche en oncologie de l'Enfant, de l'aDOlescent et de l'adulte jeune) explorent la biologie de ces tumeurs pédiatriques pour développer de nouveaux traitements.

 

 

  • Immunothérapie pédiatrique : vers de nouveaux traitements pour le sarcome d’Ewing

 

Si les bénéfices de l’immunothérapie sont démontrés dans nombre de cancers chez l’adulte, cette stratégie demeure encore peu efficace pour le traitement des tumeurs pédiatriques. Pour autant, les résultats présentés à l’AACR par le Dr Olivier Delattre, directeur du centre SIREDO et de l’unité Cancer, hétérogénéité, instabilité et plasticité (U830 - Institut Curie/Inserm), confirment que de nouvelles perspectives s’ouvrent en immunothérapie pédiatrique, en particulier pour le sarcome d’Ewing qui est la deuxième tumeur osseuse la plus fréquente chez les adolescents et les jeunes adultes.

 

Près de 95 % de ces tumeurs d’Ewing sont dues à une fusion génétique caractéristique - mise en évidence dans le laboratoire du Dr Olivier Delattre - qui aboutit à la synthèse d’une protéine anormale : le facteur de transcription EWS-FLI-1. En 2022, le Dr Olivier Delattre et ses collègues ont démontré que cette protéine EWS-FLI-1 est capable d’induire l’expression de « néogènes » codant pour des peptides inédits qui sont absents des cellules saines et strictement spécifiques des cellules cancéreuses[1].

 

 

Grâce à des approches de protéomique, d’immunopeptidomique[2] et d’immunologie, les équipes de l’Institut Curie ont depuis étudié très précisément la nature de ces néogènes et de ces peptides susceptibles d’être reconnus par le système immunitaire. « Ces travaux sont le fruit d’une collaboration avec les équipes du Dr Olivier Lantz et le Dr Joshua Waterfall à l’Institut Curie. Nous avons franchi une étape supplémentaire en confirmant le potentiel des cibles identifiées, capables d’engendrer une réponse antitumorale efficace. La grande spécificité et l’expression récurrente de ces peptides dans une grande diversité de sarcomes de l’enfant en font des cibles prometteuses pour le développement d’immunothérapies dans le traitement des cancers pédiatriques », se réjouit le Dr Olivier Delattre.

 

 

From oncogenic chimeric transcription factors to immune targets” – Dr Olivier Delattre Major Symposium SY27 le 8 avril 2024 « Targeting Aberrant Transcription in Pediatric Cancer »

 

 

  • La génomique pour mieux appréhender les origines du médulloblastome

 

Le médulloblastome est le cancer cérébral le plus fréquent chez les enfants. Il se développe dans le cervelet et constitue un groupe de tumeurs très hétérogènes. Or, cette tumeur se développe à partir d’un type cellulaire qui est présent uniquement lors du développement fœtal du cerveau humain. Cette découverte publiée dans Nature[3] en 2022 par le Dr Olivier Saulnier et ses collègues ouvre des perspectives de recherches jusque là inexplorées afin de mieux comprendre les mécanismes à l’origine de ces cancers, notamment sur la cartographie de ce type cellulaire au cours du développement embryonnaire humain. Aujourd’hui, à l’Institut Curie, l’équipe Génomique et développement des cancers de l'enfant dirigée par le Dr Olivier Saulnier (U830, Institut Curie/Inserm) s’intéresse particulièrement à cette thématique. « Nous avons tous déjà joué à ce jeu qui consiste à faire tomber une bille sur un plateau incliné sur lequel sont fixés des clous pour qu’elle atteigne la case cible en bas. Cela illustre parfaitement la multitude de trajectoires possibles qu’une cellule prend au cours du développement. Dans le cas des cancers de l’enfant, la cellule d’origine s’arrête au milieu du plateau et ne poursuit pas son parcours provoquant ainsi une différentiation anormale à l’origine de nombreux cancers pédiatriques. Notre but au laboratoire est d’utiliser des technologies omiques unicellulaires afin d’identifier où, quand et pourquoi cette cellule s’est arrêtée. C’est tout l’objet des travaux présentés à l’AACR, en particulier la cartographie de cette cellule à l’origine des tumeurs de médulloblastome », explique le Dr Olivier Saulnier, lauréat du programme NextGen Stars 2024 de l’AACR.

 

 

Le Dr Olivier Saulnier a été sélectionné par l’AACR dans le cadre de son programme NextGen Stars 2024 qui offre l’opportunité à 10 jeunes chercheurs lauréats de présenter leurs travaux au congrès annuel de l’AACR et de soutenir leur développement professionnel et leur avancement.

“Tracing the developmental origins of group 3 medulloblastoma” – Dr Olivier Saulnier - Major Symposium SY27 le 8 avril 2024 « Targeting Aberrant Transcription in Pediatric Cancer »

 

Une nouvelle thérapie ciblée dans des cancers pédiatriques très rares

 

Chez les enfants et les adolescents, les tumeurs malignes présentant des fusions qui impliquent le gène ALK – telles que certains gliomes infantiles de haut grade et certains sarcomes – demeurent des cancers de mauvais pronostic. De plus, les tumeurs myofibroblastiques inflammatoires (non malignes mais localement envahissantes) présentent également souvent ce type de fusion. Si l’alectinib, un inhibiteur de ALK, a démontré son efficacité dans des cancers de l’adulte (en particulier des cancers du poumon non à petites cellules avec fusion de ALK), ce médicament n’a jusqu’à présent jamais été évalué dans ces tumeurs pédiatriques (en dehors de certains lymphomes).

 

Le Pr François Doz, directeur adjoint de la recherche clinique, de l’innovation et de l'enseignement du centre SIREDO de l'Institut Curie, est le premier auteur de la première présentation à l’AACR des résultats d’une étude utilisant l’alectinib chez des enfants et adolescents présentant des tumeurs du système nerveux central ou des tumeurs solides non lymphomateuses présentant une fusion du gène ALK. « L'alectinib a été bien toléré chez les jeunes patients atteints de ces tumeurs très rares avec fusion de ALK. Aucune toxicité n'a été rapportée. Et surtout, les résultats d'efficacité, bien qu’encore très préliminaires, sont prometteurs, la majorité des patients ayant obtenu une réponse, démontrant un profil bénéfice-risque favorable », explique le Pr François Doz.

 

 

Alectinib in children and adolescents with solid or CNS tumors harboring ALK-fusions: Data from the iMATRIX Alectinib Phase I/II open-label, multi-center study Clinical Trials – Pr François Doz - Minisymposium 9 avril 2024 ‘Novel Agents and Emerging Therapeutic Strategies”

 

 

  • L’épigénétique pour mieux comprendre et cibler l’apparition du neuroblastome

 

Le neuroblastome est un cancer pédiatrique qui se développe à partir du système nerveux sympathique, principalement dans l’abdomen, parfois le long de la colonne vertébrale ou au niveau des glandes surrénales. Cette tumeur maligne solide extra-cérébrale est la plus fréquente chez les jeunes enfants et son pronostic est sombre. L’équipe du Dr Gudrun Schleiermacher, directrice adjointe à la recherche translationnelle au centre SIREDO, en collaboration avec le Dr Isabelle Janoueix-Lerosey, chercheuse au sein de l’unité Cancer, hétérogénéité, instabilité et plasticité (U830 Institut Curie/Inserm), s’intéresse aux mécanismes épigénétiques (capables d’activer ou de désactiver l’expression de certains gènes) dans le développement et la progression du neuroblastome. Les travaux présentés à l’AACR montrent que les scientifiques ont identifié pour la première fois certains de ces processus qui conduisent à désactiver certains gènes et entraînent le développement du cancer. En donnant de nouvelles informations sur le développement et les sous-classifications cliniques de la maladie, ces résultats mettent en évidence de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles, qui pourront à plus long terme améliorer le pronostic des jeunes patients.

 

Study of spatial and temporal epigenetic heterogeneity in neuroblastoma suggests role of H3K27me3-mediated repression Charlotte Butterworth (…) Güdrun Schleiermacher - Poster session 8 avril 2024 “Pediatric Cancer Genomics and Epigenomics”

 

Vaccin anti-cancer : les résultats encourageants d’une thérapie personnalisée inédite pour éviter les rechutes chez les patients atteints de cancers ORL

 

L’immunothérapie a un impact limité chez les patients atteints de cancers ORL pour qui malheureusement les risques de rechute sont élevés. Or, une nouvelle stratégie est à l’étude et les premiers résultats cliniques se révèlent encourageants : des vaccins personnalisés.

Grâce à des outils d’intelligence artificielle et d'apprentissage automatique, les chercheurs sont parvenus à concevoir chaque vaccin individuellement, à partir du séquençage des tumeurs de chaque patient. Les résultats d’une étude clinique de phase 1 menée auprès de 33 patients seront présentés à l’AACR par le Dr Olivier Lantz, directeur adjoint de l’unité Immunité et cancer (U932 Institut Curie / Inserm). « Nos résultats montrent que le vaccin personnalisé a induit des réponses immunitaires spécifiques et a conduit à de faibles taux de rechute », déclare-t-il. Le suivi des patients, en plus de données immunologiques approfondies, vient conforter les résultats positifs de l’étude. « Nos travaux démontrent le potentiel des vaccins thérapeutiques, qui pourraient non seulement prévenir les rechutes dans les cancers ORL mais également rendre la tumeur plus réceptive à d’autres formes d’immunothérapies. Nous sommes impatients de poursuivre l’étude de ce vaccin », conclut le Pr Christophe Le Tourneau, chef du Département d’Essais Cliniques précoces de l'Institut Curie et co-coordinateur international de cet essai clinique.

 

Personalized vaccine TG4050 induces polyepitopic immune responses against private neoantigens in resected HPV negative head and neck cancers - Session 10 avril 2024 “Late-Breaking Research: Clinical Research 3”

 

 

A l’agenda également de l’AACR 2024:

 

> Epimédicaments et biomarqueurs circulants / L’ADN circulant du virus HPV identifié pour la première fois comme biomarqueur potentiel pour suivre la réponse d’un épimédicament et d’une immunothérapie dans les carcinomes épidermoïdes.

> Circulating HPV DNA as a potential biomarker to monitor response to the Pembrolizumab and Vorinostat combination in patients with squamous cell carcinoma of different locations – Dr Emmanuelle Jeanot (…) Pr Christophe Le Tourneau - Poster session le 8 avril “Circulating Nucleic Acid2”

> Biomarkers of response and progression to Pembrolizumab and Vorinostat combination in late-stage squamous cell carcinoma patients of different locations included in the PEVOsq basket trial – Pr Christophe Le Tourneau (…) Dr Maud Kamal - Poster session le 9 avril “Predictive Biomarkers 5”

 

> Cancer d’origine inconnue / Impact majeur de la réunion de concertation pluridisciplinaire nationale, coordonnée par l’Institut Curie pour guider la prise en charge de plus de deux tiers des patients.

Poster session le 9 avril “Molecular Classification of Tumors for Diagnostics, Prognostics, and Therapeutic Outcomes” :

> National Multidisciplinary Tumor Board improves diagnostic stratification and therapeutic management in Cancers of Unknown PrimaryDr Célia Dupain (…) Dr Sarah Watson

> Metastatic renal cell carcinoma with occult primary: Clinical and biological evidence for a new entity of cancers of unknown primary that beneficiates from tissue-tailored treatmentDr Nicolas Jacquin (…) Dr Sarah Watson

 

> Cancers du col de l’utérus / Présentation des résultats du projet européen Raids sur le paysage génomique et les caractéristiques de réponse aux médicaments pour des approches thérapeutiques personnalisées dans le cancer du col de l'utérus.

> Integrative genomic and transcriptomic profiles from a prospective cervical cancer study (RAIDs) – Dr Maud Kamal (…) Dr Ivan Bièche - Poster session le 8 avril “Genomic Characterization of Cancers and Cancer Subgroups”

> Genetic alterations and pharmacological response profiles from 10 cervical cancer cell lines – Dr Suzy Scholl (…) Dr Elaine del Nery Santos - Poster session le 9 avril “Genomic Changes and Intratumoral Heterogeneity as Predictive Biomarkers for Clinical Outcome”

> Genomic alterations predictive of outcome in early staged cervical cancer: a translational investigation from the SENTICOL III trial – Dr Ivan Bièche - Poster session le 9 avril “Molecular Biology in Clinical Oncology: Genetics and Beyond”

 

 


[1] Oncogenic chimeric transcription factors drive tumor-specific transcription, processing, and translation of silent genomic regions. Molecular Cell (2022), https://doi.org/10.1016/j.molcel.2022.04.019

[2] L’immunopeptidomique est un domaine scientifique émergent – notamment dans le développement des vaccins ou d’immunothérapies contre le cancer – qui étudie des peptides impliqués dans la réponse immunitaire médiée par les lymphocytes T.

[3] Hendrikse, L.D., Haldipur, P., Saulnier, O. et al. Failure of human rhombic lip differentiation underlies medulloblastoma formation. Nature 609, 1021–1028 (2022). https://doi.org/10.1038/s41586-022-05215-w

 

 

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