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Nouvelle thérapie orale prometteuse dans les cancers du sein hormonosensibles avancés

Communiqué

11 Décembre 2024

San Antonio Breast Cancer Symposium – SABCS

Nouvelle thérapie orale prometteuse dans les cancers du sein hormonosensibles avancés

Les résultats positifs d’une étude clinique internationale de phase 3 (EMBER-3) évaluant une nouvelle hormonothérapie - l’imlunestrant – ont été présentés pour la première fois au San Antonio Breast Cancer Symposium 2024. Mené chez des patientes atteintes de cancer du sein hormonosensible métastatique, cet essai pour lequel l’Institut Curie est le premier centre investigateur au monde, montre en particulier que l’imlunestrant est plus efficace que les hormonothérapies actuellement utilisées en 2e ligne de traitement lorsqu’il est combiné à un inhibiteur de la prolifération des cellules du cancer : l’abemaciclib (un anti-CDK4/6). Ces résultats font également l’objet d’une publication dans le New England Journal of Medicine le 11 décembre 2024.

Publication dans le New England Journal of Medicine : Imlunestrant with or without Abemaciclib in Advanced Breast Cancer

 

La grande majorité des cancers du sein métastatiques sont hormonodépendants. Les cellules tumorales, grâce au récepteur aux œstrogènes présent à leur surface, captent les hormones qui stimulent alors la croissance du cancer. Le standard de traitement de ce type de cancer du sein consiste le plus souvent en une hormonothérapie combinant un médicament anti-aromatase (diminuant la fabrication d’œstrogènes) avec un inhibiteur de la prolifération cellulaire (inhibiteur de CDK4/6). Or, pour près de 40 % des patientes, des mutations surviennent au niveau du gène ESR1 (codant pour le récepteur aux œstrogènes), menant à une résistance aux anti-aromatase et, in fine, à une rechute du cancer.

 

« Les travaux que nous co-publions aujourd’hui sont en faveur d’une nouvelle option de traitement de deuxième ligne dans les cancers du sein hormonosensibles métastatiques. Celle-ci se base sur une nouvelle molécule de la famille des SERD (ou inhibiteur sélectif des récepteurs aux œstrogènes), orale, plus efficace et avec un profil d’effets secondaires modérés et déjà connus », déclare le Pr François-Clément Bidard, oncologue médical à l'Institut Curie, professeur à l’Université de Versailles Saint-Quentin/Paris-Saclay.

 

L’Institut Curie et ses équipes sont fortement mobilisées et leur expertise reconnue au niveau international en matière de ciblage des mutations ESR1 pour améliorer le pronostic des patientes. Et ces travaux s’inscrivent pleinement dans la dynamique du nouvel Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) Institut des Cancers des Femmes co-porté par l’Institut Curie, l’Inserm, PSL et lancé en juin 2024 : un programme de rupture dans l’accompagnement des femmes grâce à son approche pluridisciplinaire scientifique et médicale.

 

Des progrès récents contre la résistance à l’hormonothérapie

 

Dans l’arsenal thérapeutique contre la résistance à l’hormonothérapie, le seul SERD (inhibiteur sélectif des récepteurs aux œstrogènes) disponible jusqu’à récemment était le fulvestrant, administré par injection intramusculaire et d’une efficacité variable. Les SERD sont des molécules d’hormonothérapie qui agissent en détruisant le récepteur aux œstrogènes, indépendamment de la présence de mutation sur le récepteur. De cette constatation, deux essais cliniques majeurs, rapportés en 2022, ont permis de préciser comment utiliser ces SERD :

 

- L’essai international EMERALD[1], coordonné en France par le Pr Francois-Clément Bidard, a démontré la supériorité d’un premier SERD oral, l’elacestrant, vis-à-vis d’hormonothérapies classiques (dont le fulvestrant) en cas de croissance tumorale liée à une mutation ESR1. Cette étude a permis l’approbation de l’elacestrant en monothérapie en cas de mutation ESR1.

 

- L’essai académique français PADA-1[2], impulsé et coordonné par le Pr Francois-Clément Bidard - conduit par les groupes Unicancer/UCBG et GINECO[3] a montré qu’un test de biopsie liquide développé à l’Institut Curie ciblant les mutations ESR1 dès lors qu’elles deviennent détectables et avant qu’elles n’aient menées à une évolution du cancer permet de retarder grandement la récidive du cancer du sein. Cette approche pionnière d’interception des mutations ESR1 avec le fulvestrant est maintenant poursuivie avec un nouveau SERD oral dans l’essai SERENA-6, dont les résultats sont attendus en 2025.

 

EMBER-3 : la percée de l’imlunestrant combiné à un inhibiteur de cycle cellulaire

 

Dans ce contexte, EMBER-3 est une nouvelle étude de phase 3, randomisée, pour démontrer l’efficacité d’un nouveau SERD oral de nouvelle génération : l’imlunestrant, administré en monothérapie ou en combinaison avec un inhibiteur de CDK4/6 (abemaciclib), par rapport aux hormonothérapies classiques (dont le fulvestrant), chez des patientes atteintes d’un cancer du sein localement avancé ou métastatique RH+ HER2- avec ou sans mutation ESR1, après une première ligne d’hormonothérapie. L’originalité de cette étude est donc d’explorer la combinaison de l’imlunestrant avec un inhibiteur de CDK4/6, classe de médicament que les patientes avaient déjà pu recevoir en 1ère ligne de traitement. Plus de 800 femmes ont participé à cette étude. Fort de son expérience clinique acquise précédemment, l’Institut Curie a été le centre ayant le plus participé au niveau mondial à EMBER-3.

Les résultats de l’étude EMBER-3 montrent que l’imlunestrant est plus efficace en monothérapie en cas de mutation ESR1, avec une diminution du risque de progression de 38 %. Plus intéressant encore, la combinaison de l’imlunestrant associé à un inhibiteur de CDK4/6 conduit à une réduction supplémentaire de 43 % du risque de progression par rapport à l’imlunestrant seul chez toutes les patientes, indépendamment du statut ESR1. Par ailleurs, les données sur la tolérance et la sécurité de l’étude sont très rassurantes.

 

« La reconnaissance et l’expertise internationale de l’Institut Curie nous permet de proposer aux femmes qui sont prises en charge pour leur cancer du sein de nombreux essais avec des molécules innovantes, laissant entrevoir de nouveaux espoirs thérapeutiques, pour aujourd’hui et pour les futures générations. Grâce à ces résultats publiés dans le New England Journal of Medicine, l’étude EMBER-3 établit un nouveau standard de traitement en deuxième ligne de traitement des cancers du sein hormonosensibles, ouvrant la voie vers l’utilisation de SERD oraux en combinaison.  » précise le Pr François-Clément Bidard. « Ces recherches sont à mettre en parallèle d’autres travaux menés à l’Institut Curie qui explorent le statut mutationnel du gène ESR1 comme outil de décision thérapeutique, notamment pour intercepter et anticiper la progression de la maladie via des tests de détection de biomarqueurs circulants ».

 

Les médecins de l’Institut Curie sont nombreux à participer au San Antonio Breast Cancer Symposium (SABCS) qui se déroule du 10 au 13 décembre 2024 au Texas (Etats-Unis).

 

Prix et coup de projecteur sur les cancers du sein lobulaires infiltrants

 

A l’occasion du SABCS 2024, le Dr Lounes Djerroudi, médecin chercheur et pathologiste à l’Institut Curie reçoit un prix de la Lobular Breast Cancer Alliance pour ses travaux de thèse de sciences menés sur les carcinomes lobulaires infiltrants. En particulier deux posters sont présentés lors du congrès. Les carcinomes lobulaires infiltrants - très majoritairement hormonodépendants - constituent le second type de cancer du sein le plus fréquent (10 à 15 % des cancers du sein) pour lequel de nombreuses recherches sont en cours pour mieux comprendre les spécificités histologiques, biologiques, moléculaires… de ces cancers.

Le Dr Lounes Djerroudi présentera un poster-discussion sur l’étude du micro-environnement tumoral de ces cancers lobulaires infiltrants. Impulsés par la Pre Anne-Vincent Salomon, directrice de l’IHU Institut des Cancers des Femmes et le Dr Fatima Mechta Grigoriou, directrice adjointe de l’unité Cancer, hétérogénéité, instabilité et plasticité (Inserm, Institut Curie), ces travaux mettent en évidence le rôle d’une protéine d’adhésion : la E-cadhérine sur les cellules du microenvironnement tumoral. Les résultats démontrent comment l’inactivation de cette protéine - dans les cellules tumorales lobulaires - prévient la différenciation de cellules fibroblastiques et empêche l’action de certaines cellules du système immunitaire. D’autres travaux, également menés dans l’équipe de la Pre Anne Vincent-Salomon sur les cancers lobulaires héréditaires. Ces études sont menées en collaboration avec le Dr Emmanuelle Fourme-Mouret, le Dr Chrystelle Colas, Victoire Montecalvo, Rigleta Brahimaj et visent à comprendre les spécificités de ces formes héréditaires de cancers lobulaires.

> E-cadherin inactivation shapes tumor microenvironment specificities in invasive lobular carcinoma (poster-discussion le 12 décembre) Clinico-pathological Characteristics of Breast Invasive Lobular Carcinoma in non-CDH1 genetic predisposition. Experience from the Institut Curie.

> La Pre Anne Vincent-Salomon participe le 11 décembre à une cession de discussions de cas cliniques avec les participants du congrès (Clinical Case discussions)

 

A suivre > Le Dr Emanuela Romano, oncologue médicale, directrice médicale du Centre d'Immunothérapie des cancers de l'Institut Curie est intervenue au « Translational Workshop: Cancer Immunology Discovery Approaches into Clinical Trials » le 10 décembre.

Lors de cette session, le Dr Emanuela Romano a présenté des données révélant comment le séquençage en cellule unique d'ARN de lymphocyte T infiltrant la tumeur peut être utilisé pour déterminer les facteurs associés à la réponse au traitement dans les cancers du sein triple négatif. Grâce à une collaboration avec ses collègues de l’unité Immunité et cancer (U932, Institut Curie / Inserm), des résultats très positifs ont été obtenus. Ils montrent comment un sous-type spécifique de cellules T CD8 (late effector, dysfuntional CD8 T cells) et la dynamique du répertoire TCR (T cell receptor) – en particulier l’expansion clonale - sont importants non seulement pour une réponse immunitaire protectrice contre la tumeur mais également pour la réponse au traitement par chimio-immunothérapie dans les cancers du sein triple négatif avancés. Le Dr Romano prévoit de valider ces résultats dans des cohortes prospectives de patientes atteintes de cancer du sein triple négatif.

 

[1] Elacestrant (oral selective estrogen receptor degrader) Versus Standard Endocrine Therapy for Estrogen Receptor-Positive, Human Epidermal Growth Factor Receptor 2-Negative Advanced Breast Cancer: Results From the Randomized Phase III EMERALD Trial, Bidard FC et al., Journal of Clinical Oncology (2022) : doi: 10.1200/JCO.22.00338

[2] Switch to fulvestrant and palbociclib versus no switch in advanced breast cancer with rising ESR1 mutation during aromatase inhibitor and palbociclib therapy (PADA-1): a randomised, open-label, multicentre, phase 3 trial, Bidard FC et al., Lancet Oncology (2022) : doi: 10.1016/S1470-2045(22)00555-1

[3] French Breast Cancer Intergroup Unicancer (UCBG), Groupe d'Investigateurs Nationaux pour l'Étude des Cancers Ovariens et du sein (GINECO)

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