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Mélanome uvéal : une avancée pour améliorer le suivi des patients grâce aux biomarqueurs circulants

Brève

9 Décembre 2024

Mélanome uvéal : une avancée pour améliorer le suivi des patients grâce aux biomarqueurs circulants

Des équipes de l’Institut Curie démontrent l’intérêt d’utiliser la détection de l’ADN tumoral circulant (ctDNA) en routine pour le suivi des patients atteints de mélanome uvéal métastatique traités par une immunothérapie. Publiés récemment dans la revue Nature Communications, ces travaux menés par le Dr Manuel Rodrigues, médecin et chercheur, nouveau chef de l'équipe Réparation de l'ADN et Mélanome Uvéal, D.R.U.M,(Inserm U830) et du Dr Shufang Renault, responsable adjointe du groupe de recherche translationnelle « biomarqueurs tumoraux circulants’’, ouvrent de nouvelles perspectives pour optimiser le suivi et les traitements de cette maladie rare grâce à une approche personnalisée.

Le mélanome uvéal : une maladie rare mais agressive

 

Forme rare de cancer, le mélanome uvéal est la tumeur maligne de l'œil la plus fréquente chez l’adulte, avec environ 500 à 600 nouveaux cas diagnostiqués chaque année en France. Près d’un tiers des patients peuvent développer des métastases, généralement dans le foie. Centre national de référence pour la prise en charge de ce cancer, l’Institut Curie dispose de technologies de pointe, telles que la protonthérapie, et mène de nombreux programmes de recherche innovants dans ce domaine. L’Institut Curie a activement participé à l’essai clinique démontrant que  une immunothérapie bispécifique, le tebentafusp, améliore significativement la survie des patients HLA*A02:01 atteints de mélanome uvéal métastatique (MUM). Cette nouvelle immunothérapie est désormais le traitement de première ligne pour les patients porteurs de l’HLA*A02:01.

 

Détection de l'ADN tumoral circulant par ddPCR

 

Dans ce contexte, de nouveaux travaux ont évalué l’intérêt de la détection de l’ADN libéré par les cellules tumorales dans la circulation sanguine (ctDNA) chez des patients atteints de MUM et traités avec du tebentafusp en utilisant une technique de PCR digitale (ddPCR). Cette méthode a été développée à l’Institut Curie, au sein du groupe de recherche translationnelle ‘’Biomarqueurs tumoraux circulants (BTC)’’ dirigé par le Pr François-Clément Bidard, oncologue médical avec le Dr Shufang Renault et en collaboration avec le Dr Marc-Henri Stern, ancien chef de l’équipe réparation de l'ADN et mélanome uvéal à l’Institut Curie (Inserm U830). Grâce au suivi des mutations spécifiques au MUM, cette approche rend possible le suivi des réponses au traitement avec une méthode très sensible tout en étant plus économique que les méthodes traditionnelles.

 

 

Résultats prometteurs pour le suivi des patients

 

L’étude a permis d’analyser les niveaux de ctDNA chez 69 patients atteints de MUM traités en vie réelle par tebentafusp. Avant le début du traitement, 61 % des patients présentaient des traces détectables de ctDNA dans leur plasma, ce qui était associé à un pronostic moins favorable et une survie globale réduite.

En revanche, les patients sans ctDNA détectable avaient non seulement une meilleure survie globale mais aussi une meilleure réponse au traitement d’immunothérapie. Toutefois, l'un des résultats les plus marquants est que les patients présentant un ctDNA détectable initialement et ayant enregistré une réduction de 90 % ou plus de ce taux après 12 semaines de traitement avaient une survie significativement améliorée, proche de celle des patients avec des taux indétectables initialement. Cette étude, ouvre la voie à une utilisation plus étendue de ctDNA comme marqueur clé pour adapter les traitements en temps réel.

 

 

« L'utilisation du ctDNA dans le suivi des patients traités par tebentafusp représente une véritable évolution dans la prise en charge de cette maladie. Associé à l’évaluation radiologique, il nous permet de mieux suivre l'évolution des patients et d'ajuster dans le futur les traitements de manière plus personnalisée, améliorant ainsi les perspectives pour ceux atteints de mélanome uvéal métastatique. Les futurs développements du laboratoire des Biomarqueurs Tumoraux Circulants pourraient permettre d’améliorer encore la sensibilité de la technique et peut-être même de caractériser la tumeur sans biopsie », conclut le Dr Manuel Rodrigues.

 

 

Référence : Prospective assessment of circulating tumor DNA in patients with metastatic uveal melanoma treated with tebentafusp. M. Rodrigues, T. Ramtohul, A. Rampanou, J.L. Sandoval, A. Houy, V. Servois, L. Mailly-Giacchetti, G. Pierron, A. Vincent-Salomon, N. Cassoux, P. Mariani, C. Dutriaux, M. Pracht, T. Ryckewaert, J.E. Kurtz, S. Roman-Roman, S. Piperno-Neumann, F.C. Bidard, M.H. Stern, S. Renault. Nature Communications 14 octobre 2024 https://doi.org/10.1038/s41467-024-53145-0

 

 

MBD4, un acteur clé dans la protection contre le cancer


Plus récemment encore, les chercheurs de l’équipe Réparation de l'ADN et mélanome uvéal à l’Institut Curie, DRUM ont publié, dans Nature Communications également, des travaux portant sur la manière dont la réparation de l’ADN influence les mutations dans les génomes de cancers. Ces mutations, causées par divers processus, contribuent au développement de tumeurs en suivant des schémas spécifiques appelés "signatures mutationnelles" qui offrent des perspectives pour le diagnostic et le traitement.

Le Dr André Bortolini-Silveira, post-doctorant dans l’équipe DRUM, s’est concentré sur des mutations très spécifiques (transformation de cytosine en thymine au niveau des dinucléotides CpG méthylés) de certains cancers lorsqu’ils sont déficients en une enzyme de réparation de l’ADN appelée MBD4. L’équipe avait déjà démontré que les mutations germinales de MBD4 augmentent significativement le risque de cancer, notamment de mélanome uvéal (DOI : 10.1093/jnci/djaa047).

Aujourd’hui, le Dr Bortolini-Silveira va un cran plus loin : les résultats obtenus démontrent que les patients présentant des dysfonctions de MBD4 accumulent des mutations caractéristiques au niveau de la méthylation de l'ADN, spécifiques du tissu dans lequel apparait la tumeur. Ces mutations touchent fréquemment des gènes clés impliqués dans le développement des tumeurs (comme BAP1 et GNA11). Ces travaux explorent également en détail des signatures mutationnelles attribuées par erreur à MBD4 précédemment et évoque de nouveaux mécanismes les expliquant. En clarifiant le rôle de MBD4 dans la protection contre ces mutations, cette étude permet d’élucider un peu plus les mécanismes qui favorisent l'oncogenèse.


Référence :Base-excision repair pathway shapes 5-methylcytosine deamination signatures in pan-cancer genomes. A. Bortolini Silveira, A. Houy, O. Ganier, B. Özemek, S. Vanhuele, A. Vincent-Salomon, N. Cassoux, P. Mariani, G. Pierron, S. Leyvraz, D. Rieke, A. Picca, F. Bielle, M.-L. Yaspo, M. Rodrigues, M.-H. Stern. Nature Communications, publié le 14 novembre 2024. DOI : https://doi.org/10.1038/s41467-024-54223-z.

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