De nombreux cancers restent difficiles à traiter et le développement de thérapies innovantes, personnalisées et durables en oncologie, est un enjeu majeur pour les chercheurs et les médecins.
Les thérapies cellulaires et géniques – parmi elles les cellules CAR-T – sont de nouvelles formes d’immunothérapies extrêmement prometteuses qui ont pris leur essor ces 10 dernières années.
Si elles font d’ores et déjà partie de l’arsenal thérapeutique contre certains cancers hématologiques, la communauté scientifique et médicale internationale est en pleine effervescence pour explorer et concevoir des stratégies de thérapies cellulaires et géniques optimisées, plus efficaces, dont la fabrication serait moins complexe, dans des indications plus nombreuses, y compris les tumeurs solides.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la création et aujourd’hui l’ouverture de CellAction, la plateforme de thérapie cellulaire du PSCC à l’Institut Curie.
Inédite en France, la plateforme de thérapies cellulaires et géniques du PSCC qui s’ouvre à l’Institut Curie est une structure intégrée ultra-performante qui regroupe dans un même lieu une expertise scientifique, clinique et technique hautement qualifiée et des équipements de pointe.
« Cet environnement propice à l’innovation réunit tous les atouts pour développer, transformer et transférer nos découvertes les plus fondamentales en thérapies cellulaires toujours plus efficaces », se réjouit le Pr Alain Puisieux, directeur du Centre de recherche de l’Institut Curie. « Les futurs développements autour de la combinaison immuno-épigénétique et cellules CAR-T sont nés des réflexions interdisciplinaires entre chercheurs qui ont rapidement envisagé le bénéfice pour les patients. C’est une illustration concrète du modèle Curie que nous défendons, de la recherche fondamentale jusqu’au lit du patient ».
« Développer des thérapies innovantes pour les cancers difficiles à traiter est un objectif majeur. Après avoir montré leur efficacité dans les cancers hématologiques, les thérapies cellulaires futures vont, nous l’espérons, être performantes dans les tumeurs solides », ajoute le Pr Steven Le Gouill, directeur de l’Ensemble hospitalier de l’Institut Curie.
Les équipes de CellAction vont travailler sur les projets les plus innovants avec toutes les formes de thérapies cellulaires et géniques : autologues, allogéniques et même in vivo delivery.
Les thérapies CAR-T autologues (seuls médicaments commercialisés à ce jour) consistent à prélever et modifier certaines cellules du système immunitaire (lymphocytes T) des patients. Une fois réinjectés aux patients, les lymphocytes T modifiés devenus « cellules CAR-T » sont capables de reconnaître et de détruire les cellules cancéreuses.
D’autres formes de thérapies cellulaires et géniques sont à l’étude telles que les CAR-T allogéniques pour lesquelles les cellules CAR-T ne seraient plus issues des patients eux-mêmes mais de donneurs sains. Ceci devrait rendre l’accès à ces thérapies plus facile et plus rapide.
Encore plus en amont et précurseur parmi les stratégies en développement : le « in vivo delivery » est une approche totalement novatrice qui vise à modifier génétiquement les lymphocytes T du patient directement in vivo.
CellAction, une plateforme inédite pour développer des médicaments innovants
Toutes les expertises sont réunies dans la structure pour mettre en œuvre et suivre tous types de projets : découverte et validation de cible, ingénierie cellulaire, preuve de concept in vitro et in vivo, recherche pré-clinique… jusqu’au produit prêt à la fabrication.
« Notre ambition est de développer au sein de CellAction des médicaments innovants de thérapies cellulaires et géniques tout en ayant la meilleure connaissance de leurs mécanismes d’action. Pour cela, nous disposons d’équipements de pointe extrêmement performants qui vont nous permettre de mener des projets d’une grande complexité et de tester l’efficacité de nos cellules CAR-T dans nos différents modèles », explique le Dr Marion Alcantara, hématologue, chercheuse à l’Institut Curie, directrice médicale de CellAction. « La structure unique de CellAction, fondée sur la centralisation d’expertises clés pour aller de la recherche au transfert, va permettre d’intégrer le développement de processus directement aux projets de recherche, ce qui est crucial pour accélérer l’accès des patients à nos médicaments ».
L’ambition de CellAction est d’impulser une dynamique de collaborations fructueuses avec des partenaires industriels (start-up, laboratoires pharmaceutiques) et ce notamment avec le Paris-Saclay Cancer Cluster dont la mission est d'accélérer le développement de projets industriels innovants. Objectif : co-construire des programmes audacieux pour développer les thérapies cellulaires et géniques de demain, contribuant ainsi au rayonnement de la recherche française en cancérologie.
CellAction en bref et en chiffres
> Une structure intégrée aujourd’hui basée à Suresnes et installée définitivement sur le site de Saint-Cloud de l’Institut Curie courant 2025 > 600 mètres carrés à terme > Aujourd’hui : 19 personnes employées et 38 personnes d’ici 2030 > Financement : 13,7 millions d’euros au total (11,7 millions d’euros du PSCC et 2 millions d’euros de l’Institut Curie grâce à la générosité du public) > Près de 6 millions d’euros d’équipements de pointe, ultraperformants et uniques en France > Disponibles sur la plateforme : spectromètre, équipements en cytométrie spectrale dernière génération, équipements pour l’analyse en single-cell, système clos semi-automatisé qui fabrique les cellules modifiées (CliniMacs® Prodigy [Miltenyi]) combiné à un électroporateur (Miltenyi)… > 1 équipement* unique en France : un instrument de pointe qui mesure l'avidité entre les cellules immunitaires et leurs cibles (Z-Movi (Lumicks®) |
Un nouvel élan pour des essais cliniques innovants
CellAction s’inscrit dans le programme ‘Microenvironnement tumoral, immunologie et thérapies cellulaires’ du projet scientifique Curie 2030, de même que le projet de Recherche Hospitalo-Universitaire (RHU) EpCART[1].
Grâce à l’ouverture de la plateforme, le projet EpCART porté par l’Institut Curie va franchir une nouvelle étape : un essai clinique de phase précoce dans certains cancers solides de mauvais pronostic devrait démarrer en 2026.
Combinant l’immuno-épigénétique aux thérapies CAR-T, EpCART est né des travaux de l’équipe du Dr Sebastian Amigorena, directeur de recherche au CNRS et chef d’équipe dans l’unité Immunité et cancer (Institut Curie, Inserm), en collaboration avec plusieurs équipes de recherche de l’Institut Curie[2]. Récemment, les chercheurs ont montré[3] qu’en inhibant une enzyme à l’origine de certaines modifications épigénétiques, il était possible de rendre les cellules CAR-T capables de tuer et de persister, conférant un vrai bénéfice à cette inhibition. Cette « reprogrammation » épigénétique des CAR-T permet de contrôler la tumeur de façon durable et d'éviter la rechute, une approche unique dans la lutte contre les tumeurs difficiles à traiter.
« Plus de dix ans ont été nécessaires pour mettre au point cette stratégie révolutionnaire, et avant cela des années de recherche fondamentale pour comprendre le fonctionnement du système immunitaire et de l’épigénétique, deux domaines de recherche phares de l’Institut Curie », précise le Dr Sebastian Amigorena, coordinateur du RHU EpCART et directeur scientifique de CellAction. « Nous nous réjouissons aujourd’hui de l’ouverture de CellAction, de son environnement d’excellence qui va permettre de mener à bien notre essai clinique à horizon 2026, en lien étroit avec les équipes médicales et avec nos partenaires ».
Un autre projet porté par l’Institut Curie est en cours, en collaboration avec Mnemo therapeutics : des travaux vont évaluer cette même stratégie d’immuno-épigénétique combinée aux cellules CAR-T, non plus dans les tumeurs solides mais dans le lymphome cérébral primitif, un cancer hématologique rare qui se développe au niveau du système nerveux central. Un essai clinique devrait démarrer fin 2025.
D’autres projets sont également en cours d’évaluation, notamment un essai clinique de cellules CAR-T dans les lymphomes T (en collaboration avec MedisSix Therapeutics), des projets de recherche sur les cellules CAR-T allogéniques et des travaux de in vivo delivery.
[1] Obtenu en 2021, ce programme de Recherche Hospitalo-Universitaire en santé (RHU) EpCART bénéficie d’un financement de 10 millions d’euros pendant 5 ans au titre du Programme d’Investissements d’Avenir France 2030. Il est mené en partenariat avec Mnemo Therapeutics et le centre MEARY de thérapie cellulaire et génique de l’AP-HP.
[2] en particulier l’équipe du Dr Geneviève Almouzni, directrice de recherche de classe exceptionnelle au CNRS, cheffe de l’équipe Dynamique de la Chromatine (unité Dynamique Nucléaire CNRS/Institut Curie).
[3] Lire l’actualité sur curie.fr : Mise en évidence d’une enzyme clé pour des immunothérapies plus efficaces et durables