Chez les enfants de moins de 15 ans, les tumeurs cérébrales sont les cancers les plus fréquents après les leucémies[1]. Ces cancers rares peuvent survenir au niveau du cerveau, du tronc cérébral, du cervelet ou de la moelle épinière. Il en existe de nombreux types : tumeurs embryonnaires (médulloblastome et tumeurs tératoïdes rhabdoïdes atypiques (ATRT)), tumeurs gliales (ou gliomes), épendymomes et encore plus rarement des tumeurs germinales, des tumeurs des plexus choroïdes, des méningiomes, des craniopharyngiomes… Le traitement standard implique chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie et en particulier protonthérapie. Grâce à des propriétés de focalisation et d’irradiation très spécifique, la protonthérapie est particulièrement adaptée à ces tumeurs cérébrales pédiatriques situées dans des régions particulièrement sensibles et en développement. Le Centre de protonthérapie à Orsay de l’Institut Curie est le 1er centre en France et 3e dans le monde pour cette prise en charge spécifique.
A l’Institut Curie, au cœur du centre SIREDO[2], 1er centre intégré de France dédié aux cancers touchant les moins de 25 ans, les travaux continus entre la recherche et la clinique ont permis des avancées considérables dans la lutte contre les tumeurs cérébrales pédiatriques.
Médulloblastome : explorer la biologie des tumeurs pour mieux les traiter
Le médulloblastome se développe dans le cervelet et est la tumeur cérébrale maligne la plus fréquente chez les enfants (un cas sur 20 000 enfants par an en France). A l’Institut Curie, plusieurs équipes s’attèlent à caractériser et mieux comprendre les mécanismes impliqués dans le développement du médulloblastome, un groupe de tumeurs très hétérogènes. L’équipe Signalisation, développement et tumeurs cérébrales dirigée par le Dr Olivier Ayrault met en œuvre des approches originales et pluridisciplinaires qui intègrent des données génomiques, transcriptomiques, protéomiques voire même métabolomiques grâce à des équipements ultraperfectionnés pour identifier de nouveaux mécanismes biologiques. En 2018, des travaux publiés dans Cancer Cell avaient décrits pour la première fois l’implication de la protéine SRC dans le sous-groupe le plus répandu en clinique. Aujourd’hui, les travaux se poursuivent : des études sont en cours pour évaluer comment cibler cette protéine SRC et élaborer de nouvelles stratégies thérapeutiques. Ces travaux sont menés en collaboration à l’échelle internationale (Allemagne, Angleterre, Canada, Japon et US) et en lien direct avec les équipes cliniques en France, en particulier dans le cadre du Paris Kids Cancer portés par l’AP-HP, Gustave Roussy et l’Institut Curie.
Une autre équipe de l’Institut Curie dirigée par le Dr Celio Pouponnot s’intéresse à un sous-type agressif de médulloblastome nommé groupe 3 tout à fait particulier en décryptant les voies de signalisation en jeu au sein des cellules dans les processus tumoraux. Les chercheurs ont notamment identifié un agent pharmacologique ciblant la voie TGFβ (voie de signalisation du facteur de croissance transformant bêta) comme étant d’intérêt thérapeutique dans ce sous-groupe de haut risque de médulloblastome. Les études se poursuivent à l’international sur l’importance du ciblage de cette voie.
Par ailleurs, l’Unité de génétique somatique de l’Institut Curie est le laboratoire de référence national pour tous les essais cliniques européens sur le médulloblastome et le Pr François Doz, directeur adjoint de la recherche clinique, l’innovation et l'enseignement de SIREDO est porteur national des essais cliniques européens sur les médulloblastomes de risque standard des enfants de plus de trois ans.
Elucider les origines héréditaires des tumeurs cérébrales pédiatriques
Autre terrain d’investigation des équipes de l’Institut Curie : la recherche de potentielles prédispositions génétiques du médulloblastome. Grâce un travail national collaboratif mené conjointement par les équipes de l’Institut Curie et de Gustave Roussy, le conseil génétique des familles d’enfants présentant des médulloblastomes dans le cadre d’une prédisposition pourra être plus adapté pour éviter les situations de stress inutiles et anticiper au plus près le risque familial réel.
L’espoir des immunothérapies dans les tumeurs rhabdoïdes cérébrales
Les tumeurs rhabdoïdes sont particulièrement rares, agressives et se développent pendant la petite enfance. Elles sont la plupart du temps observées dans le système nerveux central, sous le nom de tumeurs rhabdoïdes tératoïdes atypiques (ATRT) dont la survie globale ne dépasse pas les 40%. L’équipe du Pr Franck Bourdeaut, pédiatre et chercheur, à l’Institut Curie a révélé en octobre 2023, grâce à la confrontation entre l’imagerie et des outils bioinformatiques appliqués à l’échelle de la cellule unique, différents progéniteurs neuronaux susceptibles d’être à l’origine de la mise en place de tumeurs ATRT. Par ailleurs, d’autres travaux majeurs menés par le Pr Franck Bourdeaut, en collaboration avec les équipes des Dr Eliane Piaggio et Joshua Waterfall à l’Institut Curie, ont permis d’identifier une réponse immunitaire d’origine épigénétique, laissant entrevoir la possibilité de mener des essais cliniques dans le domaine. Une collaboration avec l’équipe du Dr Celio Pouponnot étudie comment l’irradiation de ces ATRT pourraient les rendre plus visibles par le système immunitaire et un essai clinique européen sur les tumeurs rhabdoïdes ATRT sera lancé dans le courant de l’année 2024 pour évaluer l’effet de cette irradiation.
Des tumeurs avec réarrangement de BCOR
Ces tumeurs avec réarrangement du gène BCOR sont des tumeurs embryonnaires rares qui apparaissent chez de jeunes enfants, sans traitement standard et avec un pronostic sombre. A l’Institut Curie, l’équipe Biologie computationnelle et génomique intégrative du cancer dirigée par le Dr Florence Cavalli s’attèle à caractériser précisément ces tumeurs avec altération du gène BCOR. En collaboration avec les équipes du Dr Raphaël Margueron, du Pr Franck Bourdeaut et de l’hôpital Saint-Anne, leur projet vise à mieux comprendre l’hétérogénéité tumorale de ces cancers agressifs afin d’identifier les mécanismes responsables de la progression de ces tumeurs pédiatriques rares et pour lesquelles il n’existe pas de traitement standard.
Chiffres clés
2283 nouveaux cas par an 1% de l’ensemble des cancers en France 83% de survie à 5 ans
Incidence des cancers pédiatriques 28% de leucémies 27% de tumeurs du système nerveux central dont tumeurs cérébrales 11% lymphomes
A l’Institut Curie 390 nouveaux patients par an SIREDO, 1er centre intégré en France dédié aux cancers touchant les moins de 25 ans 43 études cliniques en 2022 incluant 100 enfants et ados
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[1] Les tumeurs cérébrales (e-cancer.fr)
[2] SIREDO pour Soins, Innovation, Recherche, en oncologie de l'Enfant, de l'aDOlescent